Protocole National de diagnostic et de soin pour les maladies rares
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Dysplasie fibreuse des os contact
THéRAPEUTIQUES

THERAPEUTIQUES

 

 

La prise en charge thérapeutique de la dysplasie fibreuse des os (DF) découle des symptômes cliniques (douleurs, déformations, fractures, complications neurologiques) et des mécanismes physiopathologiques de la maladie. La DF est due à une mutation somatique de la sous-unité a de la protéine G, à l’origine d’une surexpression de c-fos, avec pour conséquence un défaut de différentiation des ostéoblastes. Ces cellules stromales indifférenciées synthétisent une matrice osseuse désorganisée, anormalement minéralisée, et un excès d’IL-6 responsable d’une hyperostéoclastose associée à une hyperrésorption osseuse. Chez certains patients, surtout ceux atteints de formes polyostotiques, un diabète phosphaté peut aussi être observé, parfois à l’origine de troubles de minéralisation. L’association de troubles endocriniens (essentiellement une puberté précoce d’origine périphérique), de taches café-au-lait et d’une dysplasie fibreuse réalise le syndrome de McCune-Albright. Ces aspects biologiques et cliniques variés permettent de définir plusieurs axes thérapeutiques.

 

 

1. LE TRAITEMENT MEDICAL PAR BISPHOSPHONATES

 

L’existence d’une hyperrésorption osseuse, avec notamment présence sur les coupes histologiques de grands ostéoclastes actifs, a conduit à faire une analogie avec la maladie de Paget – maladie dépendant des ostéoclastes – et par conséquent à utiliser des agents antirésorptifs comme les bisphosphonates, même si la DF est à l’origine une maladie des ostéoblastes. Les premiers patients ont été traités à la fin des années 80, avec le régime le plus efficace alors utilisé dans le traitement de la maladie de Paget, le pamidronate intraveineux [1], perfusé à raison de 180 mg tous les 6 mois.

 

1.1 Résultats cliniques

 

L’efficacité des bisphosphonates a été évaluée au départ dans quelques séries de quelques dizaines de patients, car du fait de la rareté de la maladie, il n’y avait pas eu d’essais contrôlés contre placebo. Les produits testés sont essentiellement le pamidronate (Arédia®, et génériques) [2-7], et quelques observations de patients ayant reçu de l’alendronate ont été publiées [4, 8]. Dans une série française suivie en moyenne pendant 4 ans (avec un maximum de 12 ans) [2, 3], une réduction significative de l’intensité des douleurs et du nombre de localisations douloureuses a pu être constatée. En moyenne, l’intensité des douleurs a été réduite des deux tiers. Six mois après la première perfusion, la moitié des patients ont connu un soulagement ou une disparition des douleurs. Un effet additif des perfusions a donc pu être constaté. Quatorze pour cent des patients n’ont pas connu de réduction significative de l’intensité des douleurs osseuses. Des rechutes douloureuses sont possibles, mais généralement accessibles à une nouvelle cure de pamidronate. Des effets similaires ont été observés dans d’autres séries de patients [4, 5, 8]. Le remodelage osseux est également réduit par le traitement chez les patients ayant un niveau élevé de résorption osseuse avant de commencer le traitement par bisphosphonate. La réponse au traitement par pamidronate est rapide, et l’effet des cures est additif, avec une normalisation des marqueurs du remodelage osseux qui peut prendre jusqu’à 2 ans. Les marqueurs qui semblent les plus utiles en suivi thérapeutique sont la phosphatase alcaline totale, l’ostéocalcine et le CTX. Un effet positif sur les radiographies a également pu être observé, chez environ la moitié des patients traités, sous forme de comblement partiel ou complet de zones ostéolytiques et/ou d’épaississement cortical. Ce phénomène a été noté dans plusieurs séries, sauf celle de Plotkin et al [6]. Le régime thérapeutique différent, sans supplément systématique en vitamine D et sans supplément en phosphore chez les patients ayant un diabète phosphaté, est peut-être responsable de cette différence de réponse radiologique. Chez les patients présentant une réponse radiologique franche, celle-ci ne s’observe en général qu’après une durée d’observation assez longue, supérieure ou égale à 18 mois. Une augmentation de densité minérale osseuse, par rapport au côté sain, de l’ordre de 15% à la hanche, a été relevée sous pamidronate et alendronate [3, 7, 8], ce qui peut également laisser espérer un effet anti-fracturaire. Plus récemment, un essai randomisé conduit aux Etats-Unis, contrôlé contre placebo a évalué l'effet de l'alendronate oral (40 mg/jour pendant 6 mois, suivi de 6 mois de repos, ce régime étant suivi pendant 2 ans). Les patients ayant un niveau très bas de douleur au début, cette étude n'a pas permis de prouver un effet antalgique de l'alendronate oral [13].

 

1.2 En pratique

 

Le régime thérapeutique utilisé en général chez l’adulte consiste en l’administration de pamidronate intraveineux à raison de 60 mg par jour pendant 3 jours, en perfusion lente sur 4 heures dans 500 ml de NaCl 9 ‰. Chez les enfants, la cure comporte 3 jours raison de 1 mg/kg/jour. Cette cure est répétée tous les 6 mois, pendant au moins 2 à 3 ans, puis chez des patients ayant une forme ayant particulièrement bien répondu au traitement, ou modérément sévère, les cures peuvent être espacées de manière annuelle, voire interrompues, avec une surveillance clinique biologique et radiologique. Le traitement est bien toléré, avec la possibilité chez un tiers des patients d’une réaction fébrile pseudo-grippale, souvent accompagnée de myalgies ou de douleurs osseuses. Cette réaction ne dure que 24 à 48 heures,

et répond bien au paracétamol. Elle ne se renouvelle pas lors des cures suivantes. La réalisation d’un traitement par bisphosphonates nécessite l’utilisation d’une contraception chez les femmes en âge de procréer. Les précautions concernant la prévention des ostéonécroses de mâchoire communes à tous les bisphosphonates utilisés dans des pathologies non tumorales s'imposent. Un supplément en calcium (1 g/jour) et vitamine D3 (800 UI/jour) en association aux bisphosphonates est recommandé car ces patients pourtant généralement jeunes au moment de la prise en charge présentent fréquemment une carence en vitamine D (25% dans la dernière série publiée [3]). En outre, le tissu osseux dysplasique est particulièrement sensible à l’hyperparathyroïdie secondaire, ce qui est susceptible d’aggraver les lésions [9]. Ce supplément devrait également pouvoir jouer un rôle préventif des troubles de minéralisation fréquents au cours de la DF.

 

 

2. LE SUPPLEMENT EN PHOSPHORE

 

2.1 Identifier la présence du diabète phosphaté

 

Environ la moitié des patients atteints de formes polyostotiques de DF présentent une fuite rénale de phosphore [10], ce qui représente un risque de troubles de minéralisation dans le tissu osseux dysplasique et sain [2]. La mesure de la phosphorémie n’est pas un bon test diagnostique chez ces patients, car elle s’abaisse de façon inconstante, ce qui lui fait préférer

la mesure du taux maximum de réabsorption du phosphore rapporté à la filtration glomérulaire (TmPi/GFR). Cette mesure devrait être systématique lors du diagnostic de DF, afin de planifier correctement la prise en charge ultérieure.

 

2.2 Le supplément en phosphore en pratique

 

Un seul produit est  commercialisé en France sous forme orale, le Phosphoneuros®. Le Phosphoneuros® se présente sous forme de soluté buvable, apportant 78,8 mg de phosphore élément pour 10 gouttes. La posologie habituelle est de 150 à 200 gouttes par jour à fractionner en 3 à 5 prises (soit 1,2 à 1,6 g/jour). La tolérance digestive est souvent médiocre, avec des nausées, gastralgies ou diarrhées. Le fractionnement et les prises à la fin du repas permettent d’améliorer ces symptômes. Ce supplément en phosphore est à prescrire systématiquement en association à du calcitriol (Rocaltrol®), à raison de 0,25 à 1 mg/jour, qui sera début deux semaines avant le phosphore, pour éviter le développement d'une hyperparathyroïdie secondaire. Le phosphore seul ne pourrait également pas normaliser la phosphorémie [11]. Toutefois, l’utilisation du calcitriol doit s’accompagner d’une surveillance étroite du fait du risque d’hypercalciurie et donc de lithiase urinaire. On recommande donc de doser régulièrement la calciurie de 24 heures, et d’adapter la dose de calcitriol, et éventuellement de réaliser des échographies rénales.

 

 

3. LE TRAITEMENT ORTHOPEDIQUE

 

3.1 Les différentes techniques

 

La chirurgie a longtemps été la seule possibilité thérapeutique dans la DF. Les interventions consistent, en cas de fracture, à réaliser une ostéosynthèse avec une éventuelle greffe osseuse s'il y a une zone ostéolytique très volumineuse. Celle-ci doit être réalisée en utilisant un greffon cortical (provenant du péroné), et non avec un greffon spongieux de crête iliaque, car ceux-ci sont toujours résorbés. Des interventions préventives sont également pratiquées, avec curetage d’une lésion et greffe osseuse (corticale). Une ostéosynthèse préventive est parfois réalisée dans le même temps. Les déformations osseuses font parfois l’objet d’une correction, par ostéotomie, généralement accompagnée d’un autre geste (ostéosynthèse…).

 

3.2 Les indications

 

La chirurgie préventive est indiquée lorsque le risque fracturaire est majeur, par exemple en présence d’une large lésion ostéolytique, d’un amincissement ou d’une fissure corticale, surtout sur un os porteur comme le fémur, dont la fracture a des conséquences graves. Les enfants et les adolescents seront l’objet d’une attention toute particulière car la plupart des fractures surviennent pendant cette période. Les matériels d’ostéosynthèse sont spécifiques car adaptés à la croissance osseuse, avec par exemple l’utilisation de clous télescopiques.

 

 

4. LE TRAITEMENT DES COMPLICATIONS ENDOCRINIENNES

 

La spécificité de la puberté précoce au cours du syndrome de McCune-Albright réside dans son caractère périphérique, avec une sécrétion hormonale d’origine ovarienne (ou testiculaire, mais plus rarement), sans déclenchement de la puberté par une sécrétion trop précoce de gonadotrophines comme dans la plupart des autres étiologies de pubertés précoces. La thérapeutique va donc reposer sur des médicaments différents, qui inhibent directement la synthèse de stéroïdes sexuels gonadiques, plutôt que sur les analogues de la LH-RH pris dans les pubertés précoces d’origine centrale. Il s’agira donc d'un antiaromatase, le letrozole (Femara). Les acromégalies se traitent en règle générale médicalement, car la chirurgie hypophysaire n'est généralement pas possible à cause de l'épaississement osseux dysplasique. On utilise la somatostatine et le pegvisomant.

 

5. LE TRAITEMENT DES COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES

 

Les localisations vertébrales ou crâniennes peuvent engendrer des complications neurologiques. Les compressions médullaires, exceptionnelles, du fait d’une DF vertébrale, feront l’objet d’une décompression chirurgicale, urgente. Les compressions de nerfs crâniens sont également possibles, la plus fréquente étant la compression du nerf optique par la DF du fait d’une obstruction du canal optique, dans les cas de localisations ethmoïdiennes ou sphénoïdales. Même en cas d’obstruction du canal optique avec compression du nerf optique, le pronostic visuel n’est pas forcément mauvais à long terme (stabilité chez 90% des patients) [12]. La constatation de telles lésions ne doit donc pas forcément conduire à une décompression chirurgicale, qui est source de saignements avec un risque visuel certain. Les interventions de décompression seront donc pratiquées chez des patients dont la vision s’altère. Spécifiquement, il faut vérifier par scanner l’intégrité des canaux optiques chez les patients souffrant de DF crânio-faciale. S’il existe une obstruction uni- ou bilatérale, une surveillance du champ visuel pluri-annuelle est nécessaire, avec discussion d’une chirurgie de décompression en cas de dégradation nette lors d’un examen ophtalmologique.

 

 

CONCLUSION

 

Les traitements par bisphosphonates ont montré leur capacité à réduire l’intensité des douleurs, et à améliorer l’aspect radiologique, mais les indications ne sont pas encore parfaitement précisées. Il faut probablement traiter les patients ayant des formes comportant des zones ostéolytiques, avec risque fracturaire, et les formes douloureuses. Toutefois, l’amplitude de l’effet antalgique demeure incertaine, car ces produits ont été évalués dans des études ouvertes. Les suppléments en calcium et vitamine D ou en phosphore et calcitriol peuvent être utiles afin d’optimiser les traitements par bisphosphonates et éviter les troubles de minéralisation. Les produits en cous d'évaluation (tocilizumab, denosumab), permettront peut-être d'améliorer la prise en en charge des patients plus complexes.

 

 

REFERENCES

 

1. Liens D, Delmas PD, Meunier PJ. Long-term effects of intravenous pamidronate in fibrous dysplasia of bone. Lancet 1994; 343: 953-4.

2. Chapurlat RD, Delmas PD, Liens D, Meunier PJ. Long-term effects of intravenous pamidronate in fibrous dysplasia of bone. J Bone Miner Res 1997; 12: 1746-52.

3. Chapurlat RD, Hugueny P, Delmas PD, Meunier PJ. Treatment of fibrous dysplasia of bone with intravenous pamidronate: predictors of response to treatment and long-term effectiveness. Bone 2004; 35: 235-42.

4. Lane JM, Khan SF, O’Connor WJ, et coll. Bisphosphonate therapy in fibrous dysplasia. Clin Orthop Rel Res 2001; 382: 6-12.

5. Isaia GC, Lala R, Defilippi C, et coll. Bone turnover in children and adolescents with McCune-Albright syndrome treated with pamidronate for bone fibrous dysplasia. Calcif Tissue Int 2002; 71: 121-28.

6. Plotkin H, Rauch F, Zeitlin L, et coll. Effect of pamidronate treatment in children with polyostotic fibrous dysplasia of bone. J Clin Endocrinol Metab 2003; 88: 4569-75.

7. Parisi MS, Oliveri B, Mautalen CA. Effect of intravenous pamidronate on bone markers and local bone mineral density in fibrous dysplasia. Bone 2003; 33: 582-8.

8. Weinstein RS. Long-term aminobisphosphonate treatment of fibrous dysplasia: spectacular increase in bone density. J Bone Miner Res 1997; 12: 1314-15.

9. Corsi A, Collins MT, Riminucci M, et coll. Osteomalacic and hyperparathyroid changes in fibrous dysplasia of bone: core biopsy studies and clinical correlations. J Bone Miner Res 2003; 18 : 1235-46.

10. Collins MT, Chebli C, Jones J, et coll. Renal phosphate wasting in fibrous dysplasia of bone is part of a generalized renal tubular dysfunction similar to that seen in tumorinduced osteomalacia. J Bone Miner Res 2001; 16: 806-13.

11. Glorieux FH, Scriver CR, Reade TM, et coll. Use of phosphate and vitamin D to prevent dwarfism and rickets in X-linked hypophosphatemia. N Engl J Med. 1972; 287: 481-7.

12. Lee JS, Fitzgibbon E, Butman JA, et al. Normal vision despite narrowing of the optic canal in fibrous dysplasia. N Engl J Med 2002; 347: 1670-6.

13. Boyce AM, Kelly MH, Brillante BA, Kushner H, Wientroub S, Riminucci M, Bianco P, Robey PG, Collins MT. A randomized, double blind, placebo-controlled trial of alendronate treatment for fibrous dysplasia of bone. J Clin Endocrinol Metab. 2014; 99(11):4133-40.

 

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Mise à jour 18 avril 2016